Secteur à forte intensité d’actifs, avec très souvent de lourds investissements pour maintenir l’activité à flot, les zones portuaires sont elles aussi en pleine transformation numérique. Exemple, avec le port de Rotterdam, qui entend mettre en place des équipements edge, déployer un réseau quantique et lancer des containers connectés pour plus de sécurité.(Photo S.Leblal)
À l’occasion du CiscoLive Europe 2023 à Amsterdam, nous avons rencontré le directeur de l’innovation du port de Rotterdam et découvert les projets en cours pour transformer les installations à 0000000000000000000000coup d’IoT et de systèmes autonomes pour les cargos et les véhicules de levage. Huitième port du monde et premier européen pour le trafic total avec 12,3 millions de containers et 444 millions de tonnes de marchandises traitées (2021), la zone, qui s’étend sur près de 44 kilomètres (124 km2), doit gérer sa croissance tout en réglant des problèmes de sécurité et de congestion. « Lorsque nous avons signé un accord de collaboration entre Cisco et le port de Rotterdam en 2018, nous avions de grands projets à mener [navires autonomes, sécurité des containers, chargeurs de containers robotisés…]et puis le Covid est arrivé. C’était donc une sorte de défi de se voir physiquement aujourd’hui, mais nous ne sommes pas restés inactifs. Et aujourd’hui, nous allons vous montrer les choses que nous avons développées ensemble [avec Cisco]», nous a expliqué début février Oscar Van Veen, directeur de l’innovation du port de Rotterdam, lors d’un point presse dans la zone portuaire.
Divisé en quatre départements opérationnels, le port de Rotterdam est un établissement public regroupant un centre de coordination portuaire, au neuvième étage de la tour administrative (voir photo ci-dessous), avec en complément des navires de patrouille dans les eaux du port; un département d’inspection avec des agents circulant en voiture dans les installations ; et enfin deux Traffic Services pour guider les navires à travers les méandres du port 24/7. Le centre de coordination donne aussi les autorisations lorsque des navires doivent se rendre à des endroits particuliers ou effectuer des activités spéciales dans le port, comme des travaux de réparation. « Nous avons également un lien avec la région pour la sécurité en cas d’urgence et une coordination avec les autres parties du port comme la police portuaire, les douanes ou l’agence environnementale », nous a indiqué M. Van Veen. Les 350 personnes travaillant à la capitainerie peuvent compter sur 3 000 km de fibre optique pour mener à bien leurs missions critiques 24/7. « La moitié de la capacité est gérée par nos équipes comme un backbone MPLS. Et ce dernier connecte environ 50 de nos sites, la plupart d’entre eux avec des radars, des stations radio ou des stations VHF […] Comme nous sommes une autorité publique en charge d’une mission critique, nous devons nous assurer que notre système fonctionne en mode 24/7 ».
Accostage d’un navire autonome en 2024
Lancée en 2018, la transformation numérique du port de Rotterdam s’inscrit dans le cadre du programme CDA de Cisco, comme l’a rappelé Guy Dietrich, country digital accelerator chez l’équipementier. « 48 pays [dont la France]ont choisi de travailler avec Cisco, ce qui représente 1 500 projets de transformation numérique dans le monde : des réseaux mesh pour optimiser la diffusion du WiFi dans des trains britanniques, des capteurs sur le réseau d’Irish Water pour limiter les pertes lors de l’irrigation des cultures, ou encore la sécurisation du réseau d’eau potable de la ville de Mexico ». L’accord avec le port de Rotterdam entend ainsi mener à bien l’accostage d’un navire autonome en 2024. Les informations recueillies grâce à la collaboration entre Cisco et ses partenaires permettront aux opérateurs portuaires de déterminer le moment optimal pour le passage et l’accostage d’un navire, ce qui peut augmenter considérablement les revenus générés par chaque cargo entrant dans le port. Ces mêmes données pourront même être utilisées à l’avenir pour aider les navires à optimiser leurs manœuvres et ainsi économiser du carburant et réduire l’empreinte carbone du port. Une grande première en Europe, même si l’opération navire autonome a déjà été menée à bien dans le port de Shanghai avec le concours de Huawei, nous a expliqué Sun Lei, directrice marketing de Huawei France, lors du point presse pour les 20 ans de la société.
À Rotterdam, l’ambition est de transformer la place en smart port – à l’image d’une smart city – afin d’exploiter au mieux les données pour optimiser la logistique portuaire, qui génère 40 millions de messages par an. Pour accompagner ce projet, Cisco entend déployer des équipements edge compute et des capteurs avec une dimension cloud/IA pour aider les opérateurs portuaires à prendre des décisions sans délais. Pour la partie sécurité des installations, les autorités néerlandaises sont également à la recherche d’un système inviolable pour éviter les intrusions et les usurpations d’identités avec notamment la mise en place d’un réseau quantique avec Q-Bird pour protéger les échanges entre les centres clefs du port. « Tout cela se met en place aujourd’hui pour accompagner le développement des digital twins et de la conduite autonome », a souligné le dirigeant de Cisco.
Un container connecté avec une serrure électronique
L’autre projet mené dans le port de Rotterdam porte le doux nom de Container 42 avec la mise en place d’un PoC avec le fournisseur de San José, mais également Axians, IBM, Intel ou encore Zebra, nous a expliqué Oscar Van Veen. Il s’agit d’un container connecté (en 4G basse consommation et WiFi) doté d’une serrure électronique, destiné à accueillir des marchandises de grande valeur. Comme nous l’a expliqué un journaliste hollandais, un des grands jeux de la délinquance locale consiste à s’introduire de nuit dans l’enceinte du port pour ouvrir au petit bonheur la chance des containers dans les zones les moins surveillées. Connecté et alimentant en données les autorités du port, le Container 42 est à même de signaler toute tentative d’intrusion ou de déplacement. Petite anecdote, Conteneur 42 fait référence à l’ouvrage de science fiction Le guide du voyageur galactique de Douglas Adams. Dans cette bible geek, un ordinateur affirme que « la réponse à la vie, l’univers et le reste » est 42.
Pour accompagner tous ces projets, comme le guidage autonome des navires grâce à un ensemble complexe de capteurs IoT collectant en permanence des données sur les conditions météorologiques et aquatiques telles que le vent, la visibilité, la hauteur et le courant de la marée, puis les transmettant via des routeurs et des passerelles edge, Oscar Van Veen compte mettre en place son smart port avec un système d’aide à la décision matinée d’intelligence artificielle. A suivre.
Serge Leblal
Article original à retrouver sur le site de notre publication sœur Le Monde Informatique.`