Présidée par Anne-Marie Idrac, l’association France Logistique réunira les organisations représentatives et les entreprises de la filière logistique française. Cette structure légère servira de levier, de force de lobbying et de médiateur à cette dernière, trop silotée, en particulier avec les pouvoirs publics. Sa création, soutenue par le gouvernement, vise à coordonner le secteur et à le moderniser, pour le doter d’une vision à long terme et une visibilité. Objectif final : placer la France dans les dix premiers mondiaux du secteur.

L’ancienne secrétaire d’Etat aux transports et ancienne présidente de la RATP et de la SNCF, Anne-Marie Idrac a présenté officiellement à Paris le 8 janvier 2020, France Logistique, plateforme associative qu’elle va présider à l’occasion d’un premier conseil d’administration. Difficile de savoir concrètement ce qui sortira du travail de la structure, ni même de quelle façon elle va fonctionner. « Il ne s’agit pas d’une fédération de fédérations, » a insisté la présidente, qui a jouté qu’il fallait donner une vision commune mais aussi une visibilité à cette filière dont elle connaît tous les rouages. Le secteur reste siloté entre le ferroviaire, le portuaire, l’aérien et le routier, mais aussi entre logisticiens des entrepôts, transporteurs, chargeurs (clients de la filière) ou encore entre public et privé. France Logistique aura le rôle de liant entre les acteurs des différentes fédérations, les pouvoirs publics, les entreprises.

Une double volonté de la filière et du gouvernement

L’association est née d’une double volonté de la filière et du gouvernement d’Edouard Philippe. Ce dernier avait demandé à l’été 2019 un rapport sur la logistique française à Patrick Daher et Eric Hémar. Le PDG du groupe Daher et celui du groupe ID Logistics également président de l’Union des entreprises de transport et de logistiques de France (TLF) ont rendu leurs conclusions le 16 septembre 2019 sous le titre « Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable ». Le document liste un ensemble de mesures pour redynamiser la filière qui forment la base du travail de France Logistique. En sont ressortis 5 champs d’action prioritaires : la compétitivité de la filière, la transition énergétique, l’amélioration de l’image et l’évolution des métiers et compétences, l’émergence de nouveaux modes d’organisation pour la logistique urbaine et enfin, la participation à la planification logistique du territoire. Sur ce dernier point, Anne-Marie Idrac a regretté « une utilisation médiocre de l’argent public » qui conduit à « des embranchements ferroviaires qui ne servent à rien ou des entrepôts installés sans étude de zone de chalandise, par exemple ».

Gestion des compétences, dernier kilomètre, e-commerce, data…

Concrètement, l’association veut travailler sur une GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) de la filière dans le cadre du dispositif plus global prévu par l’Etat. Un moyen d’identifier clairement les nombreux métiers en tension, d’en faire la promotion et de développer des formations adaptées. Présent au lancement, Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’Etat chargé des transports a souhaité un lien avec le service national universel. Il a également évoqué le défi du « dernier kilomètre et de la logistique urbaine avec le développement du e-commerce et le développement des villes qui entrainent de la pollution, une forte densité de circulation… France Logistique sera un tiers de confiance pour la modélisation du flux urbain ». Il a aussi appelé de ses vœux un travail sur une réglementation locale autour des horaires et zones de livraison plus cohérente.

Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, usera de sa maitrîse de la filière pour en doper le développement. Crédit photo E.Delsol

 

Si elle n’est pas identifiée comme un défi à part entière, la transformation numérique est un des chantiers importants de France Logistique. L’identification, la collecte, le partage des données a été plusieurs fois identifiée. Le silotage du secteur les a empêchés de se développer et l’explosion du e-commerce les rend indispensables. Elles seront indispensables par exemple sur l’intermodalité mais aussi sur la gestion de la logistique urbaine. Comment connaitre les flux entrants et sortants dans une zone géographique donnée ? Quelles sont les aires de livraisons et leurs modalités de fonctionnement ? « Aujourd’hui, le e-commerce génère des flux gigantesques que personne ne sait identifier », a insisté Jean-Christophe Pic.

Une structure légère de médiation et lobbying

France Logistique est une structure légère, de trois personnes (Anne Marie Idrac, le vice-président, Jean-Christophe Pic, président de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR) et le trésorier Eric Hémar) financée uniquement par ses adhérents (associations, fédérations et entreprises). Elle servira de lien, de médiateur, de lobbyiste. « Nous n’allons relancer ni audit, ni d’étude, a ajouté par exemple Anne-Marie Idrac. Il en existe déjà pléthore, sur lesquelles nous pouvons nous baser. » Pas non plus de structure de recherche, mais un comité scientifique chargé d’accompagner les réflexions. En plus de ce dernier, France Logistique sera composée d’un collège de 6 représentants d’associations et fédérations du secteur et d’un collège de 6 représentants d’entreprises. Les membres du premier collège sont la FNTR, TLF (Transport et logistique de France) et son pendant TLF Overseas, l’Otre (Organisation des Transporteurs Routiers Européens), l’Aslog (acteurs de la supplychain), l’Afilog (association de l’immobilier logistique et de la supplychain) et l’AUTF (association des utilisateurs de transport de frêt).

Dialoguer avec les pouvoirs publics

Pour renforcer le dialogue avec les pouvoirs publics autour de décisions sur la réglementation ou la stabilité de la fiscalité, par exemple, un comité exécutif logistique réunira chaque mois la présidente et le vice-président de l’association avec le directeur général des entreprises (DGE) et le directeur général des infrastructures de transport et de la mer (DGITM). Le premier se tiendra le 15 janvier 2020. Les deux directions ministérielles ont nommé leurs chefs de projets France Logistique, Olivier Boulnois pour la DGITM et provisoirement Eric Berner pour la DGE. Ces comités exécutifs serviront en particulier à préparer les Comités interministériels logistiques (Cilog) qui fixent les décisions et orientations issues des pouvoirs publics. Le premier Cilog se tiendra au premier trimestre en présence d’Edouard Philippe. Un point d’étape de l’action de France Logistique est prévu en juin avant une présentation des actions en cours et des objectifs 2021 au 3e trimestre.

Faire passer la France dans le Top 10

« La chaîne logistique est essentielle à l’exportation autant qu’aux évolutions des comportements de consommation, a commenté Jean-Baptiste Djebbari. Avec France Logistique, nous sommes dans une dynamique de reconquête. Le budget alloué aux infrastructures a augmenté de 50%. Mais l’Etat sera aussi à vos côtés pour faire face aux ruptures du numérique. » Bien que représentant 10% du PIB et 1,8 million d’emplois, elle souffre d’un manque de compétitivité vis-à-vis d’une concurrence internationale. Elle n’est ainsi que 15e du Logistics Performance Index 2018 de la banque mondiale alors que l’Allemagne et les Pays-Bas sont premiers et deuxièmes. France Logistique fixe le très ambitieux objectif pour la France de monter au plus vite dans le Top 10. Pour plusieurs intervenants, l’attractivité du pays chute au point que certains clients nationaux se tournent vers les infrastructures d’autres pays. L’exemple récurrent est celui du port de Rotterdam, modernisé, multimodal, adapté aux nouveaux usages, avec lequel les axes portuaires français n’arrivent plus à rivaliser. « Une structuration et la mise en place d’une gouvernance de la filière sont indispensables, a résumé Thomas Lecourbe, directeur général des entreprises. Il faut partager une feuille de route et des projets concrets. »

Emmanuelle Delsol