Les organisations professionnelles représentatives du secteur des transports routiers de marchandises ont rendu le 24 mai 2023 leurs conclusions concernant la décarbonation du fret routier à Clément Beaune, ministre des Transports. Si le BioGnv et l’hydrogène semblent être des alternatives viables au diesel sur le long terme, actuellement la FNTR, l’Union TLF et l’OTRE misent sur les véhicules à carburants liquides bas carbone. (Photo : camion à hydrogène GenH2 de Mercedes. Crédit : Mercedes)
Le 24 mai dernier, la task force travaillant sur l’élaboration d’une feuille de route de décarbonation des véhicules lourds à horizon 2030, prévus par l’article 301 de la Loi Climat et Résilience, a rendu ses conclusions au ministre des Transports Clément Beaune. Composée de la FNTR (Fédération nationale des transports routiers), de l’Union TLF (Union des entreprises de transport et logistique de France) et de l’OTRE (l’Organisation des transporteurs routiers européens), elle a étudié deux grands leviers de décarbonation : le verdissement des flottes et celui du fret. Il en résulte que pour mener à bien la transition énergétique du secteur des transports routiers, « il est nécessaire de s’appuyer sur un mix d’énergies décarbonées adapté aux spécificités des différentes catégories de véhicules et d’usages ».
L’électrique, une option vite oubliée
Afin d’étayer leurs propos, les trois organisations professionnelles représentatives du secteur des transports routiers de marchandises ont passé au crible toutes les énergies vertes à disposition. En commençant par le BioGNV. Ce dernier offre une autonomie proche de celle du diesel, sa part de production allouée aux poids lourds devrait couvrir 100 % des besoins d’ici à 2033 et son réseau de distribution est, à ce jour, le plus développé des énergies alternatives avec 281 points de remplissage. Cependant, le document précise qu’actuellement certains constructeurs préfèrent miser sur des motorisations électriques, limitant ainsi la disponibilité de l’offre de véhicules roulant au GNV et bioGNV.
Une stratégie remise en cause par la task force puisque dans son rapport elle confirme que la puissance nécessaire à la recharge électrique reste un point d’attention. En effet, la recharge lente, qui est actuellement disponible en France, ne répond pas à tous les usages et, compte tenu des autonomies limitées, il sera nécessaire d’installer des bornes de recharge rapide sur les sites, impliquant un investissement supérieur. Si une borne lente ne coûte « que » 60 000 €, une borne rapide nécessite un investissement de 400 000 €. De plus, le réseau de bornes de recharge est actuellement loin d’être assez développé sur le territoire français rendant l’électrique « peu crédible » en termes de transition énergétique à grande échelle, estime le rapport.
Construire un réseau national d’avitaillement en hydrogène d’ici à 2030
A contrario, les véhicules à hydrogène intégrant des piles à combustible ont été évalués comme « pertinents pour des usages longue distance ». Notamment, car ils proposent une plus grande autonomie pour un temps de recharge plus court. Toutefois, le réseau d’avitaillement reste à construire puisqu’actuellement, il n’existe que 3 stations hydrogène sur tout l’Hexagone. Ce nombre devrait se monter à environ 190 d’ici à 2030, puisque pour se conformer à la réglementation européenne Afir (alternative fuels infrastructure regulation) en cours d’élaboration, la France devra en construire 188 de plus d’ici à la fin 2027. L’objectif étant que l’écart entre deux stations le long du réseau transeuropéen de transport global (RTE-T) reste inférieur à 100 km.
En attendant la maturité des différentes filières, d’autres solutions existent
Qu’il s’agisse du BioGNV, de l’électrique ou de l’hydrogène, aucune de ses filières n’est actuellement mature. Afin de réduire, dès maintenant, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du transport routier, la task force n’a pas manqué de rappeler l’existence des véhicules à carburants liquides bas carbone. Ces derniers durables et non dérivés du pétrole, leurs émissions de GES restent très faibles, voire inexistantes, lors de leur production et de leur utilisation. Elle estime par ailleurs qu’ils constitueront probablement « un complément aux nouvelles motorisations pour décarboner le parc existant de poids lourds jusqu’en 2040 ».
De même, si la modification des carburants est essentielle à la décarbonation du transport de marchandises, il n’est pas le seul levier sur lequel s’appuyer. La FNTR, l’Union TLF et l’OTRE en ont ainsi stipulé quatre autres : le report modal vers des modes de transport moins carbonés (ferroviaire, fluvial), l’efficacité énergétique des véhicules, l’optimisation des chargements ainsi que des distances parcourues.
Clémence Tingry